• UN ARTICLE DE GIULIO

    Money, Money... ça bouge chez nos voisins !

       

    Moyen d’échange et de comptage utile, inventé naguère pour remplacer le troc souvent lourd et peu pratique, l’argent n’est que la mesure abstraite d’une valeur d’échange. Il mesure la valeur travail d’une chose, valeur altérée de cas en cas par les rapports entre l’offre et la demande, mais il n’est rien en soi. Il n’est pas plus concret qu’une longueur ou un poids. Qui aurait l’idée de vouloir acheter ou vendre 100 mètres, 5 litres ou 12 kilos ? De quoi ? lui demanderait-on. Eh bien, c’est devant cette abstraction, cette fiction, qui ne représente rien en soi et qui aujourd’hui s’oppose au travail, lorsqu’elle avait été créée pour le valoriser, que s’inclinent aujourd’hui presque tous les chefs d’état, de gouvernement et autres responsables irresponsables.

    Certes, les rares chefs d’état ou de gouvernement soi-disant socialistes, en fait sociaux-démocrates, aux commandes, font parfois de leur mieux, compte tenu de leur allégeance au système. Mais que peuvent ces pauvres roitelets soliveaux à la Hollande, impuissants face aux dictats de l’OMC et de la Commission européenne, tous deux au service du grand capital international, dont ils ont accepté la tutelle ? Or, si l’OMC est une machine à favoriser les échanges internationaux injustes et que la Commission est son exécuteur des basses oeuvres pour l’UE, le grand capital international, auquel tout est désormais soumis, ne correspond plus à grand-chose. Les budgets de nations entières sont désormais dérisoires face aux centaines de milliers de milliards de dollars, Livres sterling, yuan, yen ou Euros, qui, abstractions boursières souvent sans répondant réel, dominent le monde. À cela « nos » socialistes version soft ne savent opposer que du compromis, du mou, de l’inconsistant et du fatalement nul, car ils acceptent un système néo-monétariste dans lequel ils sont nécessairement perdants face aux néolibéraux que l’humain indiffère. Cependant, à la base de ces partis sociaux-démocrates européens d’aucuns commencent à le comprendre et des voix s’élèvent en faveur d’un retour au socialisme authentique préconisé par Karl Marx dans le Manifeste du parti communiste, seule alternative viable aux déprédations du capitalisme sauvage, qui a érigé l’argent en credo absolu. Mais plus nombreux encore sont ceux qui, tout en ayant compris, hésitent. Ils ont constaté l’échec du libéralisme, mais, influencés par le matraquage de la presse et de la gauche bien-pensantes, ils espèrent naïvement encore que la social-démocratie pourra sauver notre civilisation de l’enfer monétariste où l’enfonce le néolibéralisme accepté par toutes les formations politiques dominantes. Et voici une « interview » (1) que m’a accordée Marie-Claude Leloire de Péronnes-Lez-Binche, près de La Louvière, zone où, à l’instar de tout le pays minier et sidérurgique franco-belgo-luxembourgeois, des centaines de milliers d’emplois (2) ont été sacrifiés aux jeux de poker menteur des grands capitalistes, des politiciens néolibéraux et des dictats de la Commission.

    Si je comprends bien, Marie-Claude, tu constates que nous vivons en Europe une situation de guerre larvée.

    Marie-Claude Leloire : Oui, pire qu’une guerre armée, la « politique » pratiquée par la plupart des pays du monde et par l’Europe entraîne d’autre formes de destruction plus insidieuses et, peut-être, irrémédiables.

    Exact, c’est pire qu’une guerre armée dans la mesure où l’espoir d’en sortir parait quasi-nul. Mais ne généralises-tu pas quelque peu ? Le monde... L’Europe...

    Marie-Claude Leloire : Peut-être, mais laissons les subtilités aux philosophes. Quand je dis Europe, je dis, bien sûr, la Droite qui la domine… Et quand je dis la Droite, je ne parle pas du libéralisme de la pensée dont elle se réclame, mais bien du lien au profit dont elle veut se doter !

    Tu mettrais donc tous les dirigeants politiques de droite dans le même sac ?

    Marie-Claude Leloire : Oui, tous. Mais la politique qui est la plus symptomatique et qui impose de plus en plus son optique néolibérale et monétariste est celle que conduit actuellement Angela Merkel avec ses banquiers, soutenue par la prédominance économique allemande. Elle tue nos industries, plonge les travailleurs dans la misère, empêche les états d’intervenir, détruit l’économie, rompt l’équilibre du commerce mondial, engendre des conflits sociaux, détourne les capitaux, crée un mal-être qui se généralise, nuit à tout essor, et ce au seul nom de ses intérêts prétentieux qui lui font croire à tort qu’elle est, elle avec son Allemagne et ses banquiers, la puissance qui domine l’Europe... et, partant, le monde.

    Elle n’est pourtant pas seule à agir ainsi. La faute de cette politique toujours moins humaine revient à la majorité des dirigeants européens, mais aussi à l’impuissance des forces de gauche, dont la majorité a trahi les idées marxistes pour les remplacer par... rien du tout.

    Marie-Claude Leloire : Oui, la non-politique pratiquée par la Gauche laisse trop croire à cette idée qu’il nous faut souscrire aux mérites du bien-fondé de la finance, que l’argent est le nerf de la guerre, que nous sommes soumis aux marchés, que notre manque d’équilibre budgétaire crée la spéculation sur nos dettes souveraines, qu’il nous faut assainir, qu’il nous faut obéir, être raisonnables...

    ... en étant les béni-oui-oui de la Droite, ou, au mieux, en appliquant une compresse par ci ou un placebo par là, en faisant semblant de s’opposer pour avoir l’air d’exister. Mais qu’a-t-elle encore la possibilité de faire, cette malheureuse Gauche ? Que pouvons-nous faire ?

    Marie-Claude Leloire : Cessons ce « petit jeu » de dupes, ouvrons les yeux sur le monde, voyons les capacités qu’ont les hommes à produire, les techniques qu’ils ont créées au cours de l’histoire pour améliorer nos vies, considérons le « bien-être » dont tout humain pourrait jouir ! Prenons conscience que nous devons à ce fin nous défaire de cette idée que tout s’achète et se vend, nous débarrasser de ce monstre que nous avons crée et qui échappe à tout contrôle, donc nous échappe : le monde de la finance quasi-dématérialisé qui génère la compétition du plus offrant... À ce titre il y aura toujours un plus pauvre qui offrira ses services pour survivre, tuant dans l’oeuf ce besoin impérieux qu’ont tous les hommes depuis leur apparition sur terre d’aller de l’avant ! La globalisation est hélas un fait. Comment éviter cette compétition sauvage, le dumping social aux dépens des travailleurs ? Comment éviter les termes d’échange désastreux imposés par l’OMC et les grandes multinationales ?

    Marie-Claude Leloire : La terre est si petite dans cet univers extensible. Nous serions la seule planète où la vie est possible et l’Homme le seul à penser son avenir. Voilà pourquoi l’argent n’est RIEN, rien qu’une idée pervertie par l’homme elle aussi, dérive qu’il nous faut enrayer si nous voulons dépasser les impairs de notre histoire ... Quand un principe est devenu si puissant qu’il tend à détruire ce pourquoi il a été créé, il faut le briser et le ramener à sa juste valeur.

    Et comment ?

    Marie-Claude Leloire : En le tournant en quelque sorte en dérision. Une possibilité serait de faire tourner la machine à billets. Inondons le marché d’argent jusqu’à ce que sa valeur baisse, redonnant à l’homme son goût à la vie, à la création, à son essor vers le mieux-être... comme il est depuis toujours...

    Voilà une idée qui mériterait d’être approfondie, Marie-Claude ! Mais à quelle échelle voudrais-tu réaliser cette inflation ? Et en as-tu mesuré toutes les conséquences ?

    ***

    Ainsi prend fin cet entretien, qui n’en est même pas vraiment un, et qui n’aboutit pas non plus à une vraie fin, car ce que propose par Marie-Claude est davantage indignation que solution. Reste toutefois le vigoureux témoignage d’un bouillonnement d’idées chez nos voisins, que les politiciens s’efforcent, tout comme chez nous, d’étouffer sous une avalanche d’inepties et de lieux communs proférés via les médias dominants. Ce témoignage n’apporte bien sûr pas de réponses pratiques, mais il va déjà au-delà de la simple protestation, du ras-le-bol, de l’impuissante revendication endéans le système. C’est le système lui-même qui est remis en cause. Ce n’est pas pour rien que le PTB-PVDA (Parti du travail de Belgique) a plus que triplé ses sièges communaux aux élections de 2012, en passant de 15 à 48 élus.

    Quant à nous, nous savons bien que (3), même si nos usines sidérurgiques ne rapportent pas à Mittal (4), aux Hedge funds et à d’autres spéculateurs les 15 à 30% annuels de leurs mises, elles sont parfaitement rentables. Aussi savons-nous que la seule réponse valable contre le désert industriel est leur nationalisation. Et si pour être européens, il faut voir crever les Grecs et les Espagnols la gueule ouverte... en attendant notre tour, nous préférons y renoncer, ou, pour le moins, refuser l’Europe qu’elle se définit actuellement. (5) Aussi me demandé-je si nous ne devrions pas commencer par exiger la démission en bloc de la Commission européenne et la dissolution du Parlement européen, qui représentent tous deux les intérêts de la grande finance plutôt que de peuples qui les ont mandatés. Bon, bon, ça va... Là j’ai peut-être été un peu loin. De quel droit présumerais-je en effet des décisions des directions des partis communistes et ouvriers européens ? Alors, amis lecteurs, mettons que je n’ai rien dit…

    Hmm… C’est que je n’en pense pas moins (eppur si muove !).

    ***

    1) Interview fictive ou virtuelle, autorisée par l’auteure et basée sur le billet qu’elle a posté sur http://crayons.eklablog.com/ le 26.10.2012.

    2) Plusieurs millions même, en tenant compte de l’impact indirect et global de cette désindustrialisation.

    3) Les socialistes et autres gauches édulcorées le savent aussi, mais préfèrent évidemment, faute de projet original, employer le manuel du petit secouriste, plutôt que le manifeste du parti communiste.

    4) Pourtant un authentique industriel au départ.

    5) Et c’est un Européen convaincu qui l’écrit.

    Giulio-Enrico Pisani

     jeudi 15 novembre 2012
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  • Commentaires

    1
    Samedi 17 Novembre 2012 à 12:26

    belle analyse. On tweete

    2
    jean--marie Profil de jean--marie
    Dimanche 18 Novembre 2012 à 01:08

    Bonsoir, chère Marie-Claude,
    je viens de lire tes deux derners articles !
    l'un plein de révolte et l'autre si plein de tendresse !
    je les adamire l'un et l'autre dans leurs différences
    j'y reveindrai
    j'ai été absent des blogs depuis quelques temps... des problèmes de santé...
    bonne soirée à toi
    bises amicales
    jean-marie

    3
    claudeleloire Profil de claudeleloire
    Dimanche 18 Novembre 2012 à 07:48

    Merci les cafards ! diffusez diffusez ...

    4
    claudeleloire Profil de claudeleloire
    Dimanche 18 Novembre 2012 à 07:53

    Surtout prends soin de toi Jean-Marie, la santé c'est un capital sur lequel il faut veiller, un des plus importants qui nous concerne personnellement ... 

    je viens de recevoir ta newsletter, je viens te lire ...

    amitié .

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